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De l'école, à l'instruction à la maison
De l’école, à l’instruction à la maison aux apprentissages autonomes : l’expérience de Nathalie
Les débuts : l’école à la maison entre doutes et pression
Si notre fils n’avait pas eu des problèmes à l’école, nous n’aurions jamais pensé à la déscolarisation. Mais souvent ce qui vous semble une catastrophe peut se révéler être une vraie chance. Quand j’ai commencé le blog « lezebreecolier », pour raconter notre aventure de l’école à la maison, je pensais donner des conseils, des méthodes, l’organisation etc.: bref, de la technique.
Première étape : l’école à la maison (dans les règles de l’art)
Mais les choses ne sont pas déroulées comme prévu. Quand j’ai déscolarisé mes enfants, en octobre, la première chose que j’ai faite, en « bonne enseignante maison », ça a été un emploi du temps, avec heure de réveil, temps de travail, et en bref : un emploi du temps de bon élève. Le soir, une fois les enfants au lit, je lisais des livres sur les hauts potentiels : je surlignais, je faisais des fiches, je vérifiais la progression pédagogique de mes élèves sur le site de l’éducation nationale en fonction du niveau scolaire de chacun.
La lecture de la progression pédagogique décidée par l’éducation nationale ne m’a pas beaucoup aidé. Au contraire, elle m’a plongé dans un grand désarroi. Les difficultés de lecture de mon fils Frédéric mis à part, ils avaient bien plus que le niveau.
La visite de l’inspection de l’éducation nationale en décembre n’a rien arrangé : la conseillère pédagogique me suggérait d’appliquer la même méthode qu’en classe, avec des leçons à apprendre. Pendant qu’elle me parlait, je me demandais si elle s’était rendu compte qu’elle était dans une famille, pas dans un établissement scolaire. Comment allais-je leur imposer une méthode qui les avait fait dérailler ?
Comment allais-je leur imposer une méthode qui les avait fait dérailler ?
Quand elle m’a demandé quelle méthode j’employais pour apprendre à lire à Frédéric, j’ai bafouillé que j’avais essayé très rapidement Freinet, Montessori, différentes pédagogies, mais que je n’y arrivais pas. Mais en vérité, non, je n’avais rien essayé du tout, mon fils ne voulait pas, ne pouvait pas ; nous n’y arrivions pas, et c’était tout. A ce moment là, l’inspectrice m’a proposé l’apprentissage par l’ordinateur, et ça a marché.
Mais malgré mon emploi du temps d’enfer, mes lectures nocturnes, je n’étais pas satisfaite. Quand je prévoyais deux heures de travail, en une heure tout était bouclé et personne n’était satisfait.
Doutes et remises en question
Je redoutais le moment du dîner, quand mon mari allait me demander comment s’était passé la journée. Car cette décision de déscolarisation, je la lui avais un peu imposée : il ne l’avait accepté qu’à regret, uniquement parce que nous n’avions aucune autre alternative à l’école classique dans notre région. De mon côté, il y a longtemps que je suis convaincue que tout s’apprend facilement quand les choses nous intéressent, et qu’il suffit juste d’accompagner et d’encourager : c’est ce que mon expérience de formatrice pour « personnes en difficulté » m’a enseignée. Mais dans le cas présent, il s’agissait de mes enfants, de ma responsabilité et j’avais tellement peur de ne pas réussir, tellement peur de m’être trompée, c’était tellement engageant de défier l’institution que je redoutais le regard des autres (qui était le miroir de cette pression folle que je me mettais). Et que je redoutais donc le regard de mon mari.
Déscolariser ses enfants, ça pose une foultitude de questions, à soi comme aux autres. Beaucoup de gens me faisaient des remarques négatives, et j’oubliais les paroles de soutien qui auraient pu les compenser. Du coup, je n’arrivas pas à me faire confiance ni à faire confiance à mes enfants, et, petit à petit le doute s’installait : « et si je m'étais trompée, pourquoi ne les avais-je pas obligés à aller à l’école ? Et si les autres avaient raison ? Tout le monde le dit, c’est aux enfants de se plier à nos exigences, ils ne connaissent rien de la vie et c’est nous qui décidons ; l’institutrice de Frédéric avait peut être raison, je n’avais pas coupé le cordon, j’écoutais trop mes enfants, ils étaient simplement capricieux, une petite voix intérieure me répétait que "les enfants doivent obéir" . Une de mes amies avait obligé son fils à rester à l’école malgré ses terreurs, elle le laissait en larmes le matin, le récupérait en larmes le soir, mais elle ne pliait pas. La méthode me semblait terrifiante mais je me demandais si toutes ces personnes n’avaient pas raison.
Le cercle vicieux de la pression
Je me mettais une pression énorme. Comme je suis de nature généreuse, je partageais ma pression avec mes enfants, de telle sorte que la journée passée ensemble n’était plus agréable du tout, ni pour les eux, ni pour moi. J’étais obsédée par l’idée que je ne devais pas échouer ! J’avais des enfants à haut potentiel, et les spécialistes m’avaient bien prévenue : ils peuvent réussir et aller très loin mais ils n’aiment pas l’effort, alors il faut les pousser, les obliger à travailler : leur réussite dépendait donc de moi.
J’ai pris l’option de leur apprendre encore plus de choses ; mes ambitions prenaient des proportions démesurées. La presse regorgeait d’histoire d’enfants prodiges, comme celle de ce petit allemand de dix ans qui avait intégré l’université pour étudier les mathématiques. Avec plus de 130 de QI , les miens devraient y arriver aussi. C’était à moi de les stimuler.
Le problème, c’est que je ne suis pas professeur de mathématiques et que je ne peux pas leur payer un professeur sur mesure. Que devais-je faire ? Les remettre à l’école et me battre avec l’institution pour qu’elle les fasse sauter une ou deux classe, alors que je n’avais pas encore digéré ma colère contre l’enseignante de ma fille Margot qui lui avait refusé de passer du CM1 à la 6è ? Je n’arrêtais pas de réfléchir et de tourner en rond, comme une machine à laver.
Finalement, ce sont les fameux « caprices » de mes enfants qui m’ont permis de sortir de cette spirale infernale des doutes et de la pression. Un jour, mon fils s’est effondré, désespéré de ne pas y arriver. Lorsqu’il essayait de comprendre à sa manière, dans ma tête je ne cessais de me répéter : « s’il n’y arrive pas qu’allons nous faire ? Que vont dire les gens ? ». Je n’avais plus la force de lire le soir, mais je ne savais pas encore quoi faire : j’avais déscolarisé mes enfants parce qu’ils étaient en souffrance à l’école, mais ce que je leur faisais endurer à la maison n’était pas tellement mieux.
Petit à petit, la pression est tombée, je crois que le moteur de ma lessiveuse intérieure avait lâché. A suivre ici
Illustrations : Mireille Josselin puis Margot, la fille de Nathalie
Tags : enfants, l’ecole, maison, pression, methode, education alternative, instruction à la maison, pédagogie alternative, pédagogie, instruction, de l'école
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Commentaires
Un billet très intéressant (et courageux) qui correspond à la réalité de bien des parents débutant l'instruction en famille !
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Lundi 11 Avril 2016 à 19:50
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Bonjour ! Je suis maman ief depuis près de 10 ans .
Je trouve très intéressant votre témoignage de lâcher-prise .J'ai eu un autre cheminement , il n'empêche que je trouve riche ce parcours qui évolue ,On peut tous évoluer avec les apprentissages dits autonomes ! Au plaisir .